PROCHAINEMENT – « Qu’allons-nous faire, Jorge ? ¿Qué vamos a hacer, Jorge? »

Exposition de Susana Solano et Jorge Satorre
Du 15 novembre 2025 au 4 janvier 2026*
Ouverture du mercredi au dimanche de 13h à 18h (dernière entrée à 17h30)

« Qu’allons-nous faire, Jorge ? ¿ Qué vamos a hacer, Jorge ? ouvre, sous la forme d’une question, un nouveau cycle d’expositions au Frac MÉCA consistant à inviter des artistes à se pencher sur des œuvres de la collection aujourd’hui peu visibles. Pour cette première occurrence, nous avons invité l’artiste Jorge Satorre à sortir des réserves du Frac une importante œuvre de Susana Solano et à prolonger avec elle, dans l’espace du Grand Verre à la MÉCA, une conversation engagée depuis quelques années.

L’œuvre en question Pervigiles Popinae (1986), une imposante sculpture en tôle soudée et boulonnée, entre la cheminée et l’armoire monumentale, est acquise par le Frac en 1988, alors même que Susana Solano bénéficie d’une forte attention en France. L’artiste réalise en effet en 1987 une série d’expositions personnelles au CAPC – Musée d’art contemporain de Bordeaux ainsi qu’à la Galerie des Arènes et à la Chapelle des Jésuites à Nîmes. A l’étranger, elle participe aux grandes manifestions d’art contemporain telles que la *Documenta 8 et la Biennale de São Paulo en 1987, ou encore la Biennale de Venise en 1988.  Pervigiles Popinae, témoin de métal du trépident parcours de l’artiste, circule au début des années 90 au gré d’une exposition rétrospective de son œuvre qui a lieu au Palais Velázquez du Musée National Centre d’Art Reina Sofía à Madrid, et qui passe ensuite par le Magasin à Grenoble, la Whitechapel Art Gallery, à Londres et enfin la Malmö Konsthall, en Suède. Les années 2000 marquent la fin du nomadisme de l’œuvre, à l’exception d’une apparition dans une exposition au Forum des arts et de la culture, à Talence en 2006. S’en suit un long sommeil à l’horizontal, et en 3 caisses, dans la pénombre des réserves du Frac, entrecoupé de manipulations techniques et de déménagements successifs.

Lorsque je rejoins le Frac MÉCA, il y a un an, et que je visite pour la première fois ses réserves, la présence de l’œuvre dormante est puissante. Les raisons de son sommeil étant méconnues, la nécessité de la sortir de sa caisse et de l’étudier s’impose. Etudier son histoire, sa matérialité et ses transformations, sa documentation, ses besoins éventuels en restauration, mais également l’évolution de sa perception par le public et la communauté artistique. Renouer le dialogue avec Susana Solano. Refaire connaissance, en somme. Afin d’accompagner et de partager publiquement cette expérience, qui mobilise l’expertise technique et scientifique du Frac, nous invitons l’artiste Jorge Satorre.

Le titre de cette exposition Qu’allons-nous faire, Jorge ? ¿Qué vamos a hacer, Jorge ? se fait ainsi l’écho de la conversation entre les deux artistes et plus particulièrement de la voix de Susana Solano. La première réponse de Jorge Satorre à cette question sera de tenter de saturer l’espace du Grand Verre en confrontant Pervigiles Popinae (1986) à Perpendiculaire à la Garonne (1987), une autre œuvre de Susana Solano produite et acquise par le CAPC à la même période, et fraîchement restaurée. Toutes deux appartiennent à une famille de pièces de grande dimension, en tôle, fer découpé et grillage, qui pour l’une, verticale, renvoie au registre du mobilier, un mobilier monumental et hiératique, et qui pour l’autre, horizontale, renvoie au registre des infrastructures, celles de l’eau, de l’énergie et de la production de matières premières, et qui se voit ici directement réanimée par la proximité plongeante, liquide, limoneuse, étincelante avec la Garonne.

La seconde réponse de Jorge sera de produire une nouvelle série de dessins de petite dimension, et de discrètement confronter ces deux sculptures ‘trop grandes pour l’espace’ à l’actualité. Ces dessins, au crayon sur papier, mettent en scène avec précision et empathie une famille d’insectes, des poissons d’argent, vivant à l’abri d’un ermitage creusé dans une montagne située dans la région de Bilbao. Les poissons d’argent, sont des insectes lucifuges, actifs la nuit donc, originaires de zones tropicales, aujourd’hui très répandus dans nos habitations, particulièrement dans les régions humides. Inoffensifs, ils ont la particularité de digérer la cellulose, en d’autres termes, ils pourraient se nourrir du papier sur lequel ils sont dessinés, et à ce titre, sont la hantise des archives, bibliothèques et musées. Jorge Satorre dessine ces insectes afférés à leur vie domestique ordinaire, déjeunant, discutant, smartphones à la main, à l’abri des regards et du monde, et dans le même temps, submergés et traversés par les images de la violence de ce monde. Jorge Satorre nous retourne ainsi la question. Et nous, qu’allons-nous faire ? »

Elfi Turpin, octobre 2025

*La Documenta est une exposition internationale d’art contemporain qui a lieu depuis 1955 tous les 5 ans à Cassel en Allemagne.