Performance « Fleurs de Peurs » de Carla Adra
- Cet évènement est passé
Samedi 16 novembre 2024 de 18h30 à 20h
Fleurs de Peurs, 2024
Performance de Carla Adra
Avec Gina Mas
Installation : Fleurs fraîches, seaux, tuteurs, papiers
Costumes : Résine biologique, papiers de reliure
Fleurs de Peurs est une performance itinérante de Carla Adra. Elle prend la forme d’un marché temporaire installé puis démonté de lieu en lieu. L’artiste réactive des peurs d’enfants et d’adultes préalablement collectées* ; les peurs imprimées sont fixées à des tiges de fleurs soutenues par des tuteurs. Un stand semblable à celui d’un fleuriste est tenu par Gina Mas, une enfant de huit ans, vêtue de grandes ailes de papillon. Chaque personne est invitée à noter une de ses peurs pour la confier à Gina ; l’enfant, figure centrale du troc, offre en échange une fleur de peur choisie dans la collection à sa disposition. Les pétales des fleurs coupées sont éparpillés au sol.
La peur ne produit rien ; elle empêche celui qui la ressent d’accéder à l’objet craint ou redouté. Elle induit un mouvement de repli sur soi, permettant de se protéger d’un danger, qu’il soit réel ou ressenti. Dans Fleurs de Peurs, la peur acquiert une valeur positive, puisqu’elle tient lieu de monnaie d’échange. Le regardeur obtient en échange de sa peur un végétal coupé ; Carla Adra souligne ainsi le caractère éphémère des peurs, qui changent à chaque âge de la vie, et s’éteignent avec les personnes.
Les peurs ont pris la place des fleurs. Leurs pétales exhalent un dernier souffle tandis que se déroule la performance. Les peurs survivent ainsi aux fleurs ; sont-elles responsables de la mort des fleurs ? Ou, au contraire, issues d’elles, semblables à elles, fragiles comme elles ? On peut imaginer que les fleurs, en perdant leurs pétales, ont éclos une seconde fois, donnant naissance aux peurs. On peut tout aussi bien se figurer que les peurs ont fait tomber les fleurs.
Peu importe le potentiel destructeur des peurs ; Gina a le pouvoir de les manier. Depuis son stand, elle pourrait constituer des bouquets de peurs coupées, assemblant et manipulant celles-ci avec désinvolture. Ses ailes sont en papier orné d’un motif représentant des œufs de grenouille ; elles sont animales – elles évoquent une éclosion à venir. Éphémère, fragile, le papier a été pérennisé par incrustation dans de la résine.
Gina est pollinisatrice de peurs : comme les papillons, elle construit et maintient un écosystème, à travers la redistribution des peurs qui lui sont confiées. Les liens qu’elle crée sont parfaitement équilibrés, parce qu’ils sont entièrement subjectifs, et que des liens d’une telle sorte ne sauraient obéir à aucune logique. Gina est médiatrice émotionnelle : elle établit une hiérarchie des peurs de manière intuitive et spontanée. Cette hiérarchie est déterminée par son univers d’enfant ; le regardeur adulte est mis face à une gradation des peurs différente de celle à laquelle il est accoutumé ; on est face à un déplacement de la peur.
Carla Adra nous propose d’entrer dans une poésie de l’irrationnel. La peur écrite perd son sens en se détachant de celui ou celle à qui elle appartient ; elle est comme déracinée. Cette mise à distance permet par exemple d’accéder à l’esthétique absurdité de la « peur des calamars » ; il est difficile de résister à l’envie d’imaginer les péripéties rocambolesques et colorées suggérées par cette peur. Nous nous engouffrons sur le terrain de l’imaginaire. Nous ne pouvons pas nous approprier des craintes que nous n’éprouvons pas ; nous pouvons échanger nos peurs contre les images invoquées par celles des autres.
Oxanna Bertrand
* Lors de l’exposition personnelle de Carla Adra Se perdre sans peur (2024), Cyrille Guitard et Elsa Gervais (médiateurices du centre d’art contemporain 40mcube à Rennes) ont initié des ateliers collectifs au cours desquels iels ont collecté des peurs d’enfants et d’adultes
Dans le cadre du vernissage de l’exposition « Primavera, Primavera » – en savoir plus
Tous publics
De 18h30 à 20h, Hall de la MÉCA
Entrée libre